Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/137

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tures des Gobelins d’après des cartons d’Oudry, et boisée de vieux chêne, se tenait un huissier en noir, la chaîne d’argent au col, qui, d’une voix plus ou moins retentissante, d’après l’importance du titre, jetait au premier salon le nom des arrivants.

Le duc, grand, mince, ne présentant que des lignes allongées comme un lévrier de race, avait l’air parfaitement noble, et malgré son âge il gardait des vestiges de son ancienne élégance. Dans la rue, sa qualité n’eût été un doute pour personne. Placé à quelques pas de l’entrée, il accueillait les invités d’un mot gracieux, d’une poignée de main, d’un salut, d’un signe de tête, d’un sourire, avec un sentiment exquis de ce qui était dû à chacun et une grâce si parfaite que tous étaient satisfaits et se croyaient spécialement favorisés. Il salua ma mère d’une façon respectueusement amicale, et comme c’était la première fois qu’il me voyait, il me tourna en peu de mots un madrigal semi-paternel, semi-galant qui sentait sa vieille cour.

Près de la cheminée se tenait la duchesse, fardée avec une complète insouciance de toute illusion, portant une perruque visible et étalant sur une poitrine maigre, intrépidement décolletée, des diamants historiques. Elle était comme consumée d’esprit, et sous ses larges paupières bistrées ses yeux brûlaient encore d’un feu extra-