Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/173

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seul retenait mon âme, prête à ouvrir ses ailes au souffle de l’infini. Des alternatives de lumière et d’ombre, pareilles à ces lueurs intermittentes que jette une veilleuse avant d’expirer, palpitaient devant mes yeux déjà troubles. Les prières que les sœurs agenouillées murmuraient auprès de moi et auxquelles je m’efforçais de me joindre mentalement ne m’arrivaient que comme des bourdonnements confus, des rumeurs vagues et lointaines. Mes sens amortis ne percevaient plus rien de la terre, et ma pensée, abandonnant mon cerveau, voltigeait incertaine, dans un rêve bizarre, entre le monde matériel et le monde immatériel, n’appartenant plus à l’un et n’étant pas encore à l’autre, pendant que machinalement mes doigts pâles comme de l’ivoire froissaient et ramenaient les plis du drap. Enfin mon agonie commença et on m’étendit à terre, un sac de cendre sous la tête, pour mourir dans l’humble attitude qui convient à une pauvre servante de Dieu rendant sa poussière à la poussière. L’air me manquait de plus en plus ; j’étouffais ; un sentiment d’angoisse extraordinaire me serrait la poitrine : l’instinct de la nature luttait encore contre la destruction : mais bientôt cette lutte inutile cessa, et dans un faible soupir mon âme s’exhala de mes lèvres.