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XIII


À dater de ce jour, l’existence de Malivert se scinda en deux portions distinctes, l’une réelle, l’autre fantastique. Rien, en apparence, n’était changé chez lui : il allait au club, dans le monde ; on le voyait au bois de Boulogne et sur le boulevard. Si quelque représentation intéressante avait lieu, il y assistait, et, à le voir correctement mis, bien chaussé, ganté de frais, se promener dans la vie humaine, nul ne se serait douté que ce jeune homme était en communication avec les esprits, et au sortir de l’Opéra entrevoyait les mystérieuses profondeurs de l’univers invisible. Cependant, qui l’eût bien examiné l’eût trouvé plus sérieux, plus pâle, plus maigre et comme spiritualisé. L’expression de son regard n’était plus la même ; on eût pu y voir, lorsqu’il n’était pas distrait par la conversation, une sorte de béatitude dédaigneuse. Heureusement le monde n’observe