Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/212

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composée, cherchant à dissimuler et à dire beaucoup de choses.

« Qu’a donc ce soir Mme d’Ymbercourt ? disaient les jeunes gens qui stationnaient sous le vestibule pour passer la revue féminine ; on dirait qu’il lui est venu une beauté nouvelle. D’Aversac est un heureux coquin.

— Pas si heureux que cela, dit un jeune homme à figure spirituelle et fine qui ressemblait à un portrait de Van Dyck détaché de son cadre. Ce n’est pas lui qui donne à la tête de la comtesse, inexpressive d’habitude comme un masque de cire moulé sur une Vénus de Canova, cette animation et cet accent. L’étincelle vient d’ailleurs. D’Aversac n’est pas le Prométhée de cette Pandore. Le bois ne saurait faire vivre le marbre.

— C’est égal, reprit un autre, Malivert est bien dégoûté de quitter la comtesse en ce moment. Elle mérite mieux que d’Aversac pour vengeur. Je ne sais si Guy trouvera mieux, et il pourrait bien se repentir de son dédain.

— Il aurait tort, répondit le portrait de Van Dyck ; suivez bien mon raisonnement. Mme d’Ymbercourt est plus belle aujourd’hui que d’ordinaire, parce qu’elle est émue. Or, si Malivert ne la quittait pas, elle n’éprouverait aucune émotion, et ses traits, classiquement corrects, garderaient leur insignifiance ; le phénomène qui vous frappe n’aurait pas lieu. Donc Malivert fera