Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblait se rapprocher. Il se retourna pour voir quel objet dans la chambre pouvait projeter ce reflet ; il ne vit rien. Quoique Malivert fût brave et qu’il l’eût prouvé en mainte occasion, il ne put s’empêcher de sentir le duvet se hérisser sur sa peau, et le petit frisson dont parle Job lui parcourut la chair. Il allait volontairement cette fois et en connaissance de cause franchir le seuil redoutable. Il mettait le pied hors du cercle que la nature a tracé autour de l’homme. Sa vie pouvait être désorbitée et tourner désormais autour d’un point inconnu. Quoique les incrédules en puissent rire, jamais démarche n’eut plus de gravité, et Guy en sentait toute l’importance ; mais un attrait irrésistible l’entraînait et il continua de plonger obstinément sa vue dans le miroir de Venise. Qu’allait-il voir ? Sous quelle apparence l’esprit se présenterait-il pour se rendre sensible à la perception humaine ? Serait-ce une figure gracieuse ou terrible, apportant la joie ou l’épouvante ? Guy, bien que la lueur du miroir n’eût encore pris aucune forme distincte, était persuadé que ce serait un esprit féminin. Le soupir qu’il avait entendu la veille résonnait trop tendrement dans son cœur pour qu’il n’en fût pas ainsi. Avait-il appartenu à la terre, venait-il d’une région supérieure ou d’une planète lointaine ? C’est ce qu’il ne pouvait savoir. Cependant, d’après la question du baron de Féroë, il pensait que ce