Page:Gautier - Tableaux à la plume, Fasquelle, 1880.djvu/161

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Il nous a été permis de voir les deux Murillo qu’on est en train de ramener à leur état primitif par des procédés d’une prudence et d’une sûreté parfaites. En sortant de la restauration, ils seront frais comme le jour où ils ont quitté l’atelier du grand peintre, et cela sans qu’on leur ait donné un seul coup de pinceau.

On a d’abord enlevé les couches superposées de poussière, de crasse, de fumée, de vernis rance qui ne laissaient entrevoir la peinture que comme à travers un épais verre jaune, ou pour mieux dire comme à travers une de ces lames de corne dont sont vitrées certaines lanternes d’écurie. De même que pour les Rubens, on a ménagé des zones et des plaques pour que l’on pût juger de la différence du ton donné par les restaurations et la patine du temps au ton réel du tableau à l’état vierge ; c’est à n’y pas croire. On dirait que les toiles des maîtres ont été pendues dans la cheminée comme les jambons pour leur faire prendre ces tons fauves et bitumineux que beaucoup de gens, même parmi les artistes, prennent pour de la couleur.

Dans la Nativité, par exemple, le point lumineux du tableau est un lange que déploie un chérubin près du berceau de la Vierge ; on ne l’a nettoyé qu’à moitié. La partie enfumée est d’un jaune sale, d’une teinte de rouille et d’ocre qui n’a aucun rapport avec le ton d’un linge et ressemble à du vermeil à demi