Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/143

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La statue de M. Falguière est placée au bas d’un épaulement, non loin du corps de garde, sur le bord du chemin de ronde, et regarde vers la campagne. L’artiste délicat à qui l’on doit le Vainqueur au Combat de coqs, le Petit Martyr, et l’Ophélie, n’a pas donné à la Résistance ces formes robustes, presque viriles, ces grands muscles à la Michel-Ange que le sujet semble d’abord demander. Il a compris qu’il s’agissait ici d’une Résistance morale plutôt que d’une Résistance physique, et au lieu de la personnifier sous les traits d’une sorte d’Hercule femelle prête à la lutte, il lui a donné la grâce un peu frêle d’une Parisienne de nos jours. La Résistance, assise, ou plutôt accotée contre un rocher, croise ses bras sur son torse nu avec un air d’indomptable résolution. Ses pieds mignons, s’appuyant, les doigts crispés, à une pierre, semblent vouloir s’agrafer au sol. D’un fier mouvement de tête, elle a secoué ses cheveux en arrière comme pour faire bien voir à l’ennemi sa charmante figure, plus terrible que la face de Méduse. Sur les lèvres se joue le léger sourire du dédain héroïque, et, dans le pli des sourcils se ramasse l’opiniâtreté de la défense, qui ne reculera jamais. Non, les