Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/167

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sistait en un amoncellement de pavés et de terre où déjà l’herbe avait insinué ses mosaïques vertes. Mais ce n’était là qu’un lieu de refuge ; les autres cages, aux volets relevés, laissaient voir derrière leurs grilles leurs prisonniers habituels. Les ours se livraient à ce balancement qui leur donne une vague ressemblance avec les aïssaouas s’entraînant à leurs exercices, ou marchaient au pas gymnastique, frottant les barreaux de leur nez, comme s’ils espéraient y trouver une paille. Leur épaisse fourrure ne permettait guère d’apprécier ce que le jeûne forcé du siège leur avait enlevé d’embonpoint. D’ailleurs, comme tous les animaux qui dans l’état de nature s’engourdissent l’hiver, ils ajoutaient sans doute à la ration diminuée le supplément de graisse destinée à les nourrir pendant leur sommeil.

Les lions conservaient leur attitude majestueuse. Ils acceptent la captivité avec une dédaigneuse résignation. Dès qu’ils ont compris que l’évasion est impossible, ils ne luttent plus et ne donnent pas à leurs geôliers le spectacle de tentatives inutiles. Ce sont des bêtes de noble race, qui méprisent aristocratiquement les misérables humains pour les avoir pris par trahison