Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/195

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dre, son imagination l’emportait-elle au pays de la lumière. Ce ciel gris, ces terrains boueux ou glacés d’une neige livide sur laquelle se découpaient les noires silhouettes des combattants, ces fumées de poudre se mêlant au brouillard n’offraient pas des tons assez riches à cette palette ardente. Peut-être, s’il eût vécu, la poésie de ces effets sombres et tristes se fût-elle révélée à lui et lui eût-elle fourni le sujet de quelque admirable esquisse. Le sentiment du devoir, la haine de l’envahisseur, le courage chevaleresque et l’attrait du danger si puissant sur Regnault l’occupaient seuls en ce moment où l’artiste s’effaçait derrière le citoyen. Quelques notes retrouvées sur lui, après la bataille, expriment sur ce point sa mâle et ferme résolution. Il acceptait toutes les conséquences du sacrifice.

Il semble que des augures sinistres aient voulu faire pressentir la mort héroïque et violente du jeune artiste. Une large tache sanglante occupait le centre de son dernier tableau. Le sujet de sa première aquarelle est une tête coupée, étude faite à l’amphithéâtre et qui rappelle les beaux fragments anatomiques de Géricault. Tout d’abord, sans hésitation, sans tâtonne-