Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/245

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barbare ; plusieurs s’étaient roulé des linges autour de la tête pour se préserver du soleil, car on enlève leur coiffure aux prisonniers, afin de les rendre plus facilement reconnaissables parmi la foule, s’ils essayaient de s’enfuir. D’autres avaient garni leurs pieds meurtris de chiffons retenus par des cordelettes, qui leur donnaient un aspect de Philoctète dans son île, à faire rêver un sculpteur. Ce bout de haillon les rattachait à l’art grec.

Toutes ces loques, sous l’ardente lumière, paraissaient décolorées comme les draperies d’une grisaille, et les cheveux eux-mêmes des prisonniers, vieux ou jeunes, étaient uniformément gris, tant la poussière en avait altéré la nuance.

Parmi ces prisonniers, il y avait quelques femmes, assises sur leurs articulations ployées, à la manière des figures égyptiennes dans les jugements funèbres, et vêtues de haillons terreux mais donnant des plis superbes. Quelques-unes, farouchement séparées du groupe comme par une sorte de dédain, présentaient des aspects de sybylles à la Michel-Ange ; mais la plupart, il faut l’avouer, avaient des airs de stryges, de lamies, d’empouses, ou, pour sortir de la mythologie du