Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/83

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contrastes. Les antithèses les plus inattendues sont posées par les événements avec une hardiesse à effrayer toutes les rhétoriques. Déjà l’on y est fait et rien ne semble plus naturel.

On avait dit que, les décors et les costumes ayant été mis en lieu de sûreté, dans une cave ou dans un magasin blindé à l’épreuve de la bombe, on jouerait la tragédie en frac et en toilette de ville entre les portants du théâtre et sans le moindre palais. Cette idée nous souriait assez. La tragédie, telle que les grands maîtres du dix-septième siècle l’ont entendue, ne se pique nullement de couleur locale. Elle ne connaissait ni le mot ni la chose. Quoique Racine fût un grand helléniste, il n’avait assurément pas songé, au moment de faire représenter Andromaque ou Iphigénie, à regarder un vase grec, à consulter une médaille antique pour obtenir une mise en scène plus exacte. L’analyse dialoguée des passions devant un fond vague d’architecture semblable à ces ombres dont on remplit la toile des portraits n’a pas besoin d’un costume précis, et la tragédie qui se jouait en perruque, en tonnelet et en robe à paniers, pourrait se représenter tout aussi bien en habit noir. Notre attente a été trompée.