Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/313

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Ces jupes de soie et de pékin, aux couleurs riantes, tranchant sur le fond de la verdure ; ces corsages qui, sans être échancrés avec la noble impudence des femmes de la cour, laissaient apercevoir ou plutôt deviner des charmes naissants, mais déjà mûrs pour l’amour ; ces bras jetés nonchalamment autour des tailles ; ces têtes rapprochées, sous prétexte de se parler bas ; ces lèvres adressant à la joue la confidence destinée à l’oreille ; tout cela invitait le pinceau d’un artiste accoutumé à sacrifier aux Grâces, et formait un coup d’œil aussi agréable pour les yeux que pour le cœur.

Un peu en arrière, marchaient des groupes de parents et de personnes entre deux âges, les papas, en grand habit à la française à larges basques, à gros boutons miroitants, d’une coupe pleine de bonhomie, la main fortement appuyée sur la canne à bec de corbin, le lampion carrément enfoncé sur la tête ; les mamans, dodues et vermeilles, encore appétissantes, vêtues de leurs robes de noces rélargies et d’étoffes à grands ramages et à grandes fleurs, à la mode au commencement du règne, écoutant les gaudrioles de leurs compères en guignant leurs filles du coin de l’œil, bien qu’elles fussent sûres de la sagesse de leurs enfants.

Ces groupes, que le peintre eût pu colorer de tons plus chauds et plus mûrs, faisaient ressortir à merveille toute cette jeunesse éclatante et fraîche, que l’aurore baignait de sa lueur rose, l’aurore, cette jeunesse du jour !

M. Lancret eût assurément mis Jean et Jeannette au centre de sa composition.

Pour se garder de la fraîcheur, Jeannette avait jeté sur ses épaules la calèche de taffetas gorge de pigeon ; mais la soie avait glissé, et, comme elle penchait la tête, on voyait sa nuque blanche et polie, où brillaient