Page:Gautier - Une nuit de Cléopatre.djvu/45

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bientôt se confond avec le sol. Ici l’on dirait que les vivants n’ont d’autre occupation que de conserver les morts ; des baumes puissants les arrachent à la destruction ; ils gardent tous leur forme et leur aspect ; l’âme évaporée, la dépouille reste, sous ce peuple il y a vingt peuples ; chaque ville a les pieds sur vingt étages de nécropoles ; chaque génération qui s’en va fait une population de momies à une cité ténébreuse : sous le père vous trouvez le grand-père et l’aïeul dans leur botte peinte et dorée, tels qu’ils étaient pendant la vie, et vous fouilleriez toujours que vous en trouveriez toujours !

« Quand je songe à ces multitudes emmaillottées de bandelettes, à ces myriades de spectres desséchés qui remplissent les puits funèbres et qui sont là depuis deux mille ans, face à face, dans leur silence que rien ne vient troubler, pas même le bruit que fait en rampant le ver du sépulcre, et qu’on trouvera intacts après deux autres mille ans, avec leurs chats, leurs crocodiles, leurs ibis, tout ce qui a vécu en même temps qu’eux, il me prend des terreurs,