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et ressembler autant à une mauvaise tenture de salle à manger. Je ne sais si l’habitude de voir des tableaux m’a faussé les yeux et le jugement, mais j’ai éprouvé assez souvent une sensation singulière en face de la réalité ; le paysage véritable m’a paru peint et n’être, après tout, qu’une imitation maladroite des paysages de Cabat ou de Ruysdaël. Cette idée me revint plus d’une fois en voyant se dérouler dans la vitre ces interminables rubans de terre couleur chocolat et ces files d’arbres du plus délectable vert épinard que l’on puisse imaginer.

Il est certain qu’un peintre qui risquerait de pareils feuillages et de semblables terrains serait accusé par tout le monde de ne pas faire nature ; tout cela était découpé comme à l’emporte-pièce, avec une crudité, une dureté, et un manque de perspective aérienne inconcevables : les décorations du Gymnase, où l’on voit de grands gazons en manière de tapis de billard, avec des allées café au lait et des maisons qui ont l’air d’avoir mis des panta-