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siblement que celui du ciel de France ; les matins et les soirs y sont toujours baignés de brumes, noyés de vapeurs. Londres fume au soleil comme un cheval en sueur ou comme une chaudière en ébullition, ce qui produit dans les espaces libres de ces admirables effets de lumière si bien rendus par les aquarellistes et les graveurs anglais. Souvent, par le plus beau temps, il est difficile d’apercevoir nettement le pont de Southwarck du port de Londres, qui, cependant sont assez rapprochés l’un de l’autre. Cette fumée, répandue partout, estompe les angles trop durs, voile les pauvretés des constructions, agrandit la perspective, donne du mystère et du vague aux objets les plus positifs. Avec elle, une cheminée d’usine, devient aisément un obélisque, un magasin de pauvre architecture prend des airs de terrasse babylonienne, une maussade rangée de colonnes se change en portiques de Palmyre. La sécheresse symétrique de la civilisation et la vulgarité des formes qu’elle emploie s’adoucissent ou disparaissent, grâce à ce voile bienfaisant.