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lançant la tête avec un ricanement stupide. Béni sois-tu, gin, malgré les déclamations des philanthropes et des sociétés de tempérance, pour le quart d’heure de joie et d’assoupissement que tu donnes aux misérables ! Contre de tels maux, tout remède est légitime, et le peuple ne s’y trompe pas. Voyez comme il court boire à grands coups l’eau du Léthé sous le nom de gin. Étrange humanité, qui veut que les pauvres aient toujours toute leur raison pour sentir sans relâche l’étendue de leurs malheurs ! Anglais, vous feriez bien d’envoyer en Irlande les cargaisons d’opium dont vous voulez empoisonner la Chine.

À quelques pas de là, je vis un spectacle du même genre et non moins triste : un vieillard à cheveux blancs et déjà ivre chantait je ne sais quelle chanson glapissante et ridicule, en faisant des gestes désordonnés ; son chapeau avait roulé à terre sans qu’il eût la force de le reprendre, et il s’épaulait de son mieux contre un mur de trois ou quatre pieds de haut surmonté d’une grille de fer.