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possible de douter plus longtemps ; pour tous ces gens-là le miracle était éclatant, palpable et il se transmit de père en fils dans les familles Rioux, Lepage et Côté, jusqu’à nos jours.[1]

La légende du goblet n’est pas éteinte parmi nous. Elle revivra longtemps dans les souvenirs. M. J. C. Taché en parle dans ses « Forestiers et voyageurs. » Mgr Guay le reproduit dans ses chroniques de Rimouski, et nous-même, en rappelons les grandes lignes.

Un peuple ne vit pas que de choses matérielles. L’humble légende d’un âge ancien renaît au coin du feu, et c’est grâce à elle parfois que l’on remonte aux sources du passé où il y a tant de choses nobles et saintes, propres à inspirer à l’âme des pensées dignes, des sentiments élevés. C’est l’heure jamais de raconter les vieilles histoires du passé ; ces histoires où la bravoure et l’héroïsme le disputent à la sainteté et à la charité hardie et téméraire. Il fait bon de mettre sous les yeux des lecteurs les grands traits de ces humbles épopées où l’on se demande qui doit l’emporter de la résignation et du détachement ou du courage en face de la mort se présentant sous mille formes.

On a beau dire, le scepticisme de nos jours tombe devant l’héroïsme des hommes du passé. Ces gens-là étaient comme nous, leur idéal n’avait pas le terre à terre du nôtre, il est vrai, et leur mobile n’était pas entaché de ce respect humain qui gâte tant de belles et bonnes choses, mais ils croyaient comme nous croyons tous, que la vie n’est qu’un passage, et la mort « une porte ouverte sur un monde meilleur, » et ils avaient la flamme qui fait le héros, le cœur généreux qui fait l’homme plein de mépris pour les obstacles de chaque jour, et ils allaient à la mort comme nous allons au plaisir : d’un pas joyeux. Il fait bon de les voir à l’œuvre : ça donne du cœur et du courage.

Nous ne pouvons parler de la mort du Père Ambroise sans faire part à nos lecteurs de ce que disait J. C. Taché dans ses « Forestiers et voyageurs » :

  1. Le goblet du Père Rouillard est la propriété de M. Rioux, magistrat, Sherbrooke, MM. Nap. Rioux et Rév. D. Vézina en ont une photographie fidèle.