Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/113

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Soudain un cri strident a dominé le bruit des flots et réveillé la grande voix des bois. Le jeune homme eut un haut-le-corps, et en un instant il fut debout.

— Est-ce toi, Plume d’aigle ?

Un bruit d’aigle froissant les feuilles, lui répondit que c’était le cri d’un hibou qui l’avait ainsi troublé dans sa profonde méditation. Revenu de son erreur, il se mit à arpenter la forêt ; l’état d’excitation où il se trouvait ne lui permettait pas de rester inactif. L’heure est venue d’agir, se dit-il tout haut ; je n’aurai plus de trêve que je ne l’aie frappée dans ce qu’elle a de plus cher ; ma vengeance sera terrible, parce que ma douleur a été forte et profonde. J’ai lutté longtemps contre l’enfer qui m’entraînait. J’ai été vaincu dans une lutte inégale. Lui, la marier, la posséder à jamais ! Elle, jouir quand elle sait que je souffre pour elle et par elle ; oh ! maudite fille que j’aime follement, éperdument. Oui, un de vous deux doit disparaître de la scène. Mais la justice ! La justice n’est plus qu’un vain mot, quand son exécution est obstruée. Que m’importe le Capitaine de Milice à moi ? Qui pourra me soupçonner ? Il le faut ; il ne l’aura jamais pour épouse. Entre ses lèvres et celles d’Alexandrine dans le baiser qui doit les unir pour la vie il y a encore la place d’un cercueil, d’une fosse, d’un couteau. Oui, encore une fois, je le répète ce mot : le sort en est jeté. La haine et la jalousie bouillonnent trop fortement dans mon cœur ; je me suis livré au courant, il faut qu’il m’entraîne. Plus de place pour la pitié, car ils n’en