Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/137

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qu’on pouvait espérer de suite un prompt rétablissement. Peut-être que les soins empressés, un traitement particulier, le calme intérieur, pourraient amener un mieux marquant et enrayer cette intelligence dévoyée. Un effet contraire ; un nouveau choc à une heure de lucidité pouvait amener une réaction et rendre à la société, à la famille, au foyer, une âme à cette heure sans idées déterminées, sans but, sans désirs, sans actions. On comptait sur Dieu et les circonstances pour la ramener à son état normal.

Un jour, la pauvre mère avait voulu sortir, s’éloigner momentanément de la chambre aux tristes souvenirs. On était encore au mois de septembre, et il y avait des senteurs de foin dans l’air pur et rafraîchissant du jour. Aux champs les travailleurs suaient à grosses gouttes, et pourtant le soleil avait quitté le zénith depuis longtemps. La pauvre mère, dressée dans un ample châle noir qui fait ressortir la blancheur mate de sa figure, s’avance à travers le village désert, suivie de sa compagne Hermine qui ne la laisse pas d’un pied. Ses yeux ont des lueurs étranges ; elle marche automatiquement et ses membres semblent lourds. Tout frappe son regard et paraît la jeter dans une confusion d’idées à travers lesquelles son esprit passe sans pouvoir s’accrocher à aucune.

La cloche tintait au clocher de la chapelle. La pauvre mère entre aux Saints lieux. Sur le seuil du temple, elle s’arrête : là-bas, au fond de l’église,