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lexandrine, celle qu’il haïssait à mort, avec son mari George.

Mais il avait compté sans le cœur humain. Quelle que soit la haine qui remplisse une âme, il y a encore de la place pour un sentiment de tendresse. Le cœur se réveille parfois, et il vient une heure où le besoin de se sentir aimé l’emporte sur bien d’autres considérations.

Mélas se trouvait à une de ces époques où le cœur se croit capable d’aimer et de tressaillir encore au souvenir d’un bon moment.

Il se disait : Fleur-du-mystère grandira, deviendra une belle fille, et elle m’aimera comme son père. Tout son amour sera pour moi seul, et il me semble que je jouirai encore.

Là, comme toujours, il voyait encore la jalousie faire son œuvre. Il voulait pour lui seul le cœur de Fleur-du-mystère ; mais il avait compté sans les circonstances, sans la justice de Dieu et sans Bison-des-Plaines.

Un jour, Fleur-du-mystère avait une dizaine d’années, Mélas se sentait tout joyeux auprès de l’enfant. Il oubliait le passé. Fleur-du-mystère, dit-il, appelle-moi ton père.

— Toi ! mon père ?

— Oui.

— Pourquoi ne me l’as-tu pas dit plus vite ?

— Je ne le pouvais pas, pour des motifs que je ne puis te dire.

— Et ma mère ?