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dorment dans le sein des montagnes et qui font irruption qu’à un moment donné. Et combien de temps l’enfant des bois peut-il patienter et attendre l’heure propice ? Une vie presque entière.

Aussi Bison-des-Plaines, comme ceux de sa race, savait patienter et attendre le moment favorable. On l’avait vu bien des fois, au village, descendre vers le bord des flots et y examiner quelque chose de caché soigneusement dans les grandes herbes qui poussent sur les grèves ; mais personne n’était allé voir, car le sauvage n’est pas curieux, ni bavard. S’il voit quelque chose d’insolite, il se demande pourquoi, et s’il ne trouve pas de solution juste il se tait et ne va pas plus loin.

Heureuses gens ! comme vous pouvez en remontrer à ces maudites langues de vipères qui sont les plaies de nos paroisses ; à ces harpies à la figure parcheminée, au crâne dénudé, quand ce sont des hommes qui font le triste métier de perdre les autres, eux qui n’ont plus rien à perdre, même l’honneur qu’ils ont prostitué et foulé aux pieds. Ces gens là craignent la lumière et agissent dans les ténèbres.

L’ombre recèle les serpents
Qui veulent mordre les passants.

Huit jours se sont écoulés depuis l’entretien de Laurent Goulard et de Bison-des-Plaines. Déjà le soleil a disparu derrière l’horizon qui vient de se couvrir d’un nuage épais qui va amener les ténèbres plus à bonne heure ; pourtant les étoiles commencent à orner la voûte du ciel, et leurs feux pâles inondent le ciel d’une douce clarté. Le fleuve, agité par les vents de la veille, a des voix étranges qui pleurent ou chantent tristement. L’air est limpide et