Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/219

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Dans le court intervalle qui s’est écoulé depuis l’union sacrée de notre mariage jusqu’à présent, tu m’as fait, chère épouse, jouir du vrai bonheur. Aujourd’hui, des assassins avides de sang, viennent m’arracher de tes bras ; ils ne pourront jamais effacer ma mémoire de ton cœur, j’en ai la conviction. Ils viennent t’arracher ton soutien et ton protecteur, ainsi que celui de mes chers enfants. La Providence et les amis de ma patrie y pourvoiront. — Ils ne m’ont pas seulement donné le temps de voir mes deux chères petites filles pour les serrer contre mon cœur paternel, et leur donner un dernier adieu. Ils m’ont privé de voir mon bon vieux père, mes frères et mes sœurs pour leur faire mes adieux. Ah ! cruelle pensée ! Cependant, je leur pardonne de tout mon cœur.

Quant à toi, ma chère, tu dois prendre courage et penser que tu dois vivre pour tes pauvres enfants qui ont grandement besoin des soins maternels de leur tendre et dévouée mère ; ils seront privés de mes soins et de mes caresses…

S’il est en ton pouvoir, emploie doubles caresses envers eux, afin qu’ils ne puissent pas trop ressentir les effets de la perte sur laquelle ils vont bientôt avoir à pleurer. Je ne te reverrai plus sur cette terre ! Oh ! quelle pensée ! Mais toi, ma chère Henriette, tu pourras encore me revoir une fois, et pour la dernière fois ; alors je serai froid… inanimé… et… défiguré… »

C’est digne, noble, élevé et patriotique autant que chrétien. On ne lit pas ces lettres sans ressentir un frisson par tout le corps.