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Son confrère et son ami, Mélas Vincent, n’a rien de bien distingué, si ce n’est une main potelée et bien faite. Il est trapu, court, bien pris pour être un squatteur ou un coureur des bois. Ses sourcils noirs se joignent à la racine du nez qui est large et épaté, signe d’une nature sauvage dans ses emportements, passionné dans ses entreprises. Il est intelligent : trop peut être. Son esprit avait une finesse sarcastique qui laissait à désirer un peu plus de charité chrétienne. Il était le cauchemar de bien des élèves, de ces prudes qui rougissent d’un rien, tant le scrupule leur a tourné la tête. Voilà en quelques mots, le portrait de notre ami Mélas Vincent, à 18 ans.

Tels étaient les portraits des deux jeunes gens parlant amicalement pendant la distribution des prix, au Séminaire de Québec.

À cette heure, les philosophes senior — les finissants — sont à faire, en termes émus, par la voix d’un de leur confrère, leurs derniers adieux à leurs vieux professeurs, à tous leurs amis, à l’Alma Mater qui abrita leur jeunesse, qui les vit grandir dans le droit sentier, et pour la prospérité de laquelle ils forment des vœux de fils.

— Nous ne faisons pas d’adieux solennels, nous, George ; et pourtant c’est notre dernière heure à passer sous ce toit ?

— On dirait que c’est un rêve, Mélas ! Et pourtant, mon Dieu, c’est la réalité, c’est certitude, car maman me l’a écrit.

— Et à moi aussi, George. Oh ! on a beau rire, sauter et vouloir faire le joyeux, le cœur comprend, serre et tremble.