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petite rose sauvage dont elle jeta à la brise les pétales odoriférants. Elle était là gênée au milieu de ce silence, sous le regard perçant de Mélas, regard qu’elle pressentait sans le voir, lorsque soudain le cri de « Au lac ! au lac ! » se fit entendre et la tira d’embarras.

— Voulez vous que je vous accompagne, Mademoiselle, dit Vincent ?

Ai-je promis à George, pensa-t-elle ? Non. — Mais assurément oui, Monsieur Vincent.

— Je serai heureux de votre agréable compagnie ; à voir votre hésitation, puis je vous dire qu’il m’est permis de douter que ma compagnie vous soit agréable !

— Allons ! M. Vincent, dites-moi donc par où vous avez passé ? Si j’ai paru distraite, c’est qu’une pensée soudaine a envahi mon esprit, et je n’ai pas voulu la laisser passer, quitte ensuite à mériter vos méchantes paroles. Livrons-nous donc à la joie que fait naître en nous cette belle nature. Je ne comprends pas qu’on puisse rester sombre quand tout sourit autour de nous. Eh ! quoi, cette brise embaumée n’aurait pas la force d’effacer une ride sur le front ? Ce soleil, astre d’or, appendu au ciel, ne pourrait pas laisser glisser jusqu’au cœur un rayon vivifiant qui le réchauffe ?

— Que j’aime à vous entendre parler, Mademoiselle. J’ai eu, comme vous, ces idées qui font vivre à défaut de réalité ; mais je vois bien que vous ne connaissez de la vie que le côté rose, envisagé avec une âme qui n’a pas touché l’aile des épreuves.