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tant le jour de la délivrance se lève radieux. Oh ! comme tout sourit à cette heure. Il y a des charmes même dans les larmes versées au départ, en pressant la main de nos maîtres et nos camarades. Puis le chemin qui conduit au hameau ne finit plus ; mais sitôt qu’on aperçoit dans le lointain le clocher de l’humble chapelle où nous avons prié et pleuré, alors ce cœur se prend à battre, il est vaste comme le monde et déborde d’un bonheur sans tache et sans nuage.

George parlait avec une éloquence pleine de chaleur. Il sentait si bien ce qu’il disait, et c’est là le secret de cette éloquence qui intéresse et subjugue : sentir et faire passer dans l’âme des autres les sentiments que l’on éprouve.

Aussi Alexandrine, les yeux rivés sur George, ressentait une joie secrète à l’entendre parler ; il avait fini qu’elle écoutait encore dans son âme ses dernières paroles, comme on écoute les dernières notes d’un morceau ravissant, même après que le pianiste a cessé de faire résonner l’instrument.

Pauvres enfants ! pourquoi tant retarder ces aveux qui viennent expirer sur vos lèvres ? pourquoi ne pas vous dire qu’un mystérieux aimant vous attire l’un vers l’autre ? Vous êtes seuls avec Dieu qui sonde les reins et les cœurs ; les oiseaux ont recommencé leurs chansons, les feuilles vous donnent l’ombrage et quelques rayons adoucis du soleil ; la mousse verte vous sourit, tout vous invite à parler, à vous dire ce secret que vous ignorez l’un l’autre.

Enfin l’heure solennelle va sonner, cette heure où deux âmes se fusionnent en une seule dans un sentiment commun pour marcher le chemin de la vie ; ce sentiment est fort comme le roc éternellement battu par les flots.