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George ému ; puis ils se rassirent.

N’entreprenons pas de décrire et la joie de George, joie d’autant plus grande qu’elle lui semblait inespérée, et le bonheur d’Alexandrine se voyant aimée et ayant eu la force de dire qu’elle aimait, elle aussi. Plus de doute à cette heure, plus de souffrance au sein d’une incertitude mortelle. C’est sous ces arbres pleins d’ombres, au bord de ce lac réfléchissant la vraie image des cieux, qu’ils se jurèrent fidélité. On parlait d’avenir, et les instants coulèrent rapidement. La digue était rompue, et le flot longtemps soutenu déborda en promesse de fidélité, en paroles sincères, en épanchements intimes.

Ils avaient déjà oublié le petit incident qui avait fort surpris Alexandrine. Ce bruit insolite entendu, avait eu pour cause le froissement d’une main mal contenue. Mélas aux aguets, avait entendu leur conversation. Dissimulé ainsi dans l’épaisseur du bois, il ressemblait au vautour épiant un nid de fauvettes. Quand l’aveu d’Alexandrine tomba si joyeusement sur le cœur de George, Mélas eut un rictus amer ; il ressentit comme une douche d’eau froide sur la tête ; un frisson lui passa par tous les membres, et rencontrant sous la main un faible appui, il le brisa comme on casse un roseau. Le démon de la jalousie avait déjà soufflé dans son cœur une haine mortelle. Plus de raisonnement ; il ne savait que dire : « Je ne suis pas aimé ! je ne suis pas aimé ! »

Qui comprendra ce qui dût se passer alors dans l’âme de cet enfant trop faible pour résister à cette passion maudite de la jalousie. Il devait pourtant faire bonne contenance et lutter même contre l’envahissement complet de son cœur par cette espèce de