Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur sa dure réprimande, quand une voix de femme cria de la maison :

Pierre, viens donc !

— Quoiqu’il y a ?

— M. George est ici et voudrait te voir.

— Tiens, dit José, tu pouvais bien le défendre, ce petit monsieur qui vient te voir.

— Bonjour José, et que le magot ne t’empêche pas de dormir.

En effet, c’était George qui venait voir ses voisins. On était au mois d’octobre. C’était une splendide journée ; cependant il y avait des ombres au ciel et le soleil, déclinant à l’horizon, n’avait plus que des rayons d’une chaleur plus ou moins intense. Pauvre George ! c’était sa dernière soirée au village ; il venait voir tous ses amis, se réservant la dernière soirée pour ses parents et pour Alexandrine qu’il ne reverra que quand il plaira à Dieu.

On lui serra cordialement la main chez Pierre St-Luc ; on lui souhaita un bon voyage et un prompt retour. La femme St-Luc eut même une larme ; elle était mère, elle comprenait les souffrances.

L’ombre s’allonge au pied de la montagne. C’est l’heure des adieux. George, rêveur, les yeux attachés au sol, suit le chemin qui mène chez le Notaire Boildieu. Sept heures ne sont pas encore sonnées, dit il ; j’ai le temps de prendre des forces dans le saint lieu, à l’autel de Marie, l’étoile de la mer : Stella Maris. Il entre. Déjà les ombres épaisses, tombant de la voûte, planaient au sanctuaire, la lampe tournoyait dans un cercle de lumière vacillante ; partout la paix la plus profonde. George s’agenouille,