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Par un soir du mois de mai 1815, on apercevait au pied de la montagne, en arrière de chez M. le Notaire Boildieu, un panache de fumée montant lentement dans l’air pour se répandre comme un voile transparent sur la cime des grands arbres. C’était signe de feu, lieu habité. En effet, comme on le sait déjà, c’était le lieu où vivait la vieille sauvagesse, cette créature laide et difforme, dont le fils unique était le type de la débauche la plus éhontée. Une pauvre cabane est là, debout au milieu d’un éclairci ; une porte d’écorce de bouleau laisse entrevoir par son entrebâillement un grabat fétide ; au centre de la pièce le foyer dont la fumée se répand par toute la pièce, ne pouvant pas passer toute entière par l’ouverture béante percée dans le pignon de la cabane. Un chat étique, au poil roux, à la démarche nonchalante, ronfle près de l’âtre où brûle une bûche de cèdre vert. Dans un coin obscur, les jambes pliées sous elle, un brûle gueule tout noirci entre ses dents d’une blancheur éclatante, une vieille sauvagesse semble plongée dans une rêverie profonde. Ses joues sont caves, et ses petits yeux ronds et jaunes ont des éclairs éblouissants. Un nuage de fumée l’enveloppe de ses spirales multiples ; on dirait qu’elle cherche un sens dans les mille et une configurations que prend la fumée disséminée dans l’appartement nauséabond.