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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 1.djvu/111

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convaincus qu’ils avaient affaire à des femmes du monde, et ils demeuraient rue du Chat-qui-pêche ! »

Les deux étudiants, amis de Marcel, qui, jusque-là, n’avaient guère fait que fumer et boire en silence, semblèrent peu satisfaits de cette histoire. Leurs visages se rembrunirent ; peut-être en savaient-ils autant que mademoiselle Pinson sur ce malencontreux souper, car ils jetèrent sur elle un regard inquiet, lorsque Marcel lui dit en riant :

« Nommez les masques, mademoiselle Mimi. Puisque c’est de la semaine dernière, il n’y a plus d’inconvénient.

— Jamais, monsieur, dit la grisette. On peut berner un homme, mais lui faire tort dans sa carrière, jamais.

— Vous avez raison, dit Eugène, et vous agissez en cela plus sagement peut-être que vous ne pensez. De tous ces jeunes gens qui peuplent les écoles, il n’y en a presque pas un seul qui n’ait derrière lui quelque faute ou quelque folie, et cependant c’est de là que sort tous les jours ce qu’il y a en France de plus distingué et de plus respectable : des médecins, des magistrats…

— Oui, reprit Marcel, c’est la vérité. Il y a des pairs de France en herbe qui dînent chez Flicoteaux, et qui n’ont pas toujours de quoi payer la carte. Mais, ajouta-t-il en clignant de l’œil, n’avez-vous pas revu vos inconnus ?

— Pour qui nous prenez-vous ? répondit mademoiselle Pinson d’un air sérieux et presque offensé. Connaissez-vous Blanchette et Rougette ? et supposez-vous que moi-même…

— C’est bon, dit Marcel, ne vous fâchez pas. Mais voilà, en somme, une belle équipée. Trois écervelées qui n’avaient peut-être pas de quoi dîner le lendemain, et qui jettent l’argent par les fenêtres pour le plaisir de mystifier trois pauvres diables qui n’en peuvent mais !

— Pourquoi nous invitent-ils à souper ? » répondit mademoiselle Mimi Pinson.

IV

Avec la galette parut, dans sa gloire, l’unique bouteille de vin de Champagne qui devait composer le dessert. Avec le vin on parla chanson.

« Je vois, dit Marcel, je vois, comme dit Cervantes, Zélia qui