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Sterny était si furieux, qu’il frappa le cheval de l’amazone qui, surprise à l’improviste, fut presque renversée. Elle devina l’action de Sterny, et tout en maîtrisant son cheval elle lui dit :

« Vous êtes un butor, Sterny, vous m’en rendrez raison. »

Et elle s’éloigna au galop.

Les Laloine n’avaient rien vu de cette scène, tout cela leur avait paru très-simple ; mais lorsque Sterny retourna près de Lise, qui était partie en avant, il la trouva en larmes.

« Je vous le disais bien, monsieur, dit-elle aussitôt : comme cette femme m’a regardée !… laissez-moi, monsieur, laissez-moi… retournez vers vos amis… je vous en prie… je le veux. »

Et comme Sterny voulait répondre, elle mit son cheval au galop pour s’éloigner de lui. Sterny la suivit d’abord, mais comme à mesure qu’il s’approchait d’elle, elle le lançait plus vivement, il eut peur qu’elle ne finît par se blesser et s’arrêta.

Lise disparut à ses yeux et il resta au milieu de la route. Il était hors de vue de tout le monde, mais il entendait la voix de M. et Mme Laloine qui appelaient Lise en criant :

« Il va pleuvoir, retournons. »

Il imagina l’alarme de Mme Laloine si elle le trouvait ainsi tout seul, et voulut à tout prix rejoindre Lise ; il courut à toute bride pendant cinq minutes ; enfin au coin d’une allée il vit le cheval de Lise libre, il s’élança en criant à son tour :

« Mademoiselle Lise ! mademoiselle Lise ! » Elle sortit du bois en lui disant :

« Eh bien ! monsieur, me voilà.

— Oh ! reprit-il, que vous m’avez fait peur ! »

Il y avait tant de vérité dans son émotion que Lise en fut presque touchée, mais son parti était pris et elle répondit :

« De quel côté est ma mère ?

— Par ici, mais bien loin.

— J’y vais.

— Ne montez-vous pas à cheval ?

— Non, dit-elle d’une voix entrecoupée… non… cette course m’a brisé le cœur. »

Et Sterny remarqua seulement alors que sa poitrine haletait et qu’une pâleur effrayante couvrait son visage.

Il sauta à bas de son cheval et courut à elle.