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n’ai jamais aimé à visiter les morts, cependant dans cette circonstance je n’osai refuser. Je suivis le domestique.

Dans une antichambre sombre on respirait une étrange odeur chaude et âcre à la fois, qui vous prenait à la gorge ; les cierges sans doute qui brûlaient auprès du lit mortuaire. Pauvre garçon !

« Dites-lui bien, n’est-ce pas ? qu’il ne recommence pas, » me murmura le domestique a l’oreille.

Avant d’avoir pu me rendre compte de ces paroles insensées, la porte de la chambre s’ouvrit.

Au milieu de la pièce j’aperçus une grande enveloppe blanche ; la tête du cadavre sortait de cette enveloppe qui le serrait au cou. Chose étrange, il ne paraissait pas couché, mais assis, et cette tête, au lieu d’être décolorée, était rouge comme un homard. Chose horrible, elle remua, les lèvres s’agitèrent, et de cette bouche de fantôme sortit une voix qui disait joyeusement :

« Tiens, c’est ce brave Jumlasse ! »

Assurément, si la porte de la chambre n’avait pas été refermée, je me sauvais comme un fou.

« Me prends-tu pour un fantôme ? » continua le fantôme.

Je balbutiai quelques mots stupides.

« Je comprends ton étonnement, poursuivit du Vallon qui décidément n’était pas mort ; tu vois devant toi un homme qui se fait suer sous le suaire en caoutchouc et qui avant ce soir doit avoir perdu quelques livres de son poids.

— Comment cela ?

— Au moyen de trois lampes qui sont allumées sous cette enveloppe et qui font fondre ma graisse ; c’est simple comme le jour, seulement ce n’est pas agréable. »

Je commençai à me remettre de mon émotion. Du Vallon ne s’était pas suicidé, le domestique n’était pas fou, seulement moi j’étais un niais ; il ne fallait pas qu’on en eût trop la preuve si je ne voulais être déshonoré pour le restant de ma vie. Le hasard me faisait tomber chez une des gloires du sport, c’était une heureuse chance que je devais exploiter sans me compromettre : il fallait donc le faire causer sans causer moi-même.

« Sais-tu que c’est drôle de tomber ainsi dans les coulisses du sport ?

— Et un jour de grande représentation encore, car tu penses bien