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cet homme, et les traits candides de la toute jeune fille, qu’il me fut d’abord impossible de m’arrêter à cette révoltante pensée qu’il existait quelque lien d’affection ou de sympathie entre ces deux êtres si dissemblables ; mais bientôt je songeai avec amertume, presque avec effroi, à l’attrait étrange, presque fatal, que la corruption et l’audace exercent souvent sur ce qui est pur, innocent et timide. Hélas ! tous les dons Juans n’ont pas la voix enchanteresse, la grâce patricienne, le pourpoint brodé d’or et une maison princière. Il est des dons Juans de tout état, de toute classe ; il est des dons Juans en haillons ; mais leur séduction est également insolente et féroce… Mais tous, et chacun dans sa sphère, ont également l’art d’amuser, de plaire ou de convaincre par de menteuses paroles tour à tour gaies, langoureuses ou passionnées ; mais tous savent, par des mots hardis prononcés tout bas, par des regards ardents et lascifs, troubler l’âme et les rêves de l’innocence ; tous enfin, au moment donné, employant la prière, la force, l’ardeur contagieuse du désir, savent enfin triompher d’une victime naïve, crédule, aimante et éperdue…

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Demain je parlerai à cette pauvre enfant, il le faut : tout me dit qu’un danger la menace.


19 juin 1844.

Je n’ai revu ni la jeune fille, ni l’homme à figure ignoble.     .     .     .     .     .     .

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13 décembre 1844.

Je rentre profondément attristé, ce récit m’a brisé le cœur ; quel douloureux enseignement !

Ah !… il est quelque chose de plus effrayant que la fatalité antique qui poussait forcément certaines races à des crimes monstrueux… c’est la misère !

La misère… cette épouvantable fatalité des temps modernes.

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Voici ce qui s’est passé aujourd’hui ; on vient de me le raconter dans l’un des groupes animés dont je m’étais approché en revenant chez moi, tout étonné de l’espèce de trouble qui régnait dans ce quartier, ordinairement paisible.