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— Ah !… j’en ai eu beaucoup aussi des portraits, mais je n’en ai plus un seul. Quand on se trouve dans le malheur, vous concevez, on se défait de ces colifichets. Les portraits ont filé avec les bijoux et les parures… Mais vous me faites causer, et pendant ce temps, voila un monsieur là-bas qui s’en va sans avoir payé sa chaise. »

La loueuse courut à la poursuite du délinquant, et M. Palémon se leva en disant :

« Allons, le début n’est pas heureux : voilà déjà un nom à rayer de ma liste, et dix mille francs à répartir entre les autres légataires de Robert. »

Une heure après cette rencontre, M. Palémon, en rentrant chez lui, trouva une lettre qui contenait l’invitation suivante :

« Madame la baronne de Firbach prie M. Oscar Palémon de lui faire l’honneur de venir passer la soirée chez elle le samedi 30 avril. »

« Quelle est cette baronne ? D’où me connaît-elle ? À quel titre suis-je invité ? Comment se fait-il qu’elle m’envoie seulement ce matin une invitation pour ce soir ? Ordinairement on s’y prend plusieurs jours d’avance. Une baronne devrait mieux savoir les usages ; mais n’importe, je suis venu à Paris pour remplir une mission, et je rencontrerai peut-être chez la baronne quelque élégant viveur d’autrefois qui pourra me remettre sur la trace de ce que je cherche. »

Tout en faisant ces réflexions, qui l’occupèrent pendant le reste de la journée, M. Palémon se rendit à neuf heures chez la baronne, rue de la Michodière.

La maison était de mince apparence, l’escalier peu éclairé, l’appartement assez vaste, mais enfumé, mal entretenu : des meubles qui dataient du temps de l’Empire, des draperies flétries, des dorures écaillées. Dans l’antichambre, un domestique en livrée bleu de ciel, tachée d’huile et galonnée d’argent noirci, ouvrit la porte du salon et annonça d’une voix rauque M. de Palémon.

Quatre groupes étaient réunis autour de quatre tables de jeu. — Une dame d’un âge respectable, d’une taille élevée et d’une figure qui visait à la majesté, s’approcha de M. Palémon et le remercia de ce qu’il avait bien voulu accepter son invitation ; puis la baronne le prit par le bras, le conduisit dans une embrasure de fenêtre, le fit asseoir et lui dit de l’air le plus gracieux :

« Je reçois chez moi des hommes très comme il faut et de jolies femmes. J’ai pensé que mon salon vous serait agréable, si, comme je