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Enfin il en était venu à s’arrêter au parti pris de ne pas y retourner, quand il aperçut sur le coussin de sa voiture une petite plaque d’or suspendue à un mince cordonnet de cheveux. Cette plaque était en tout pareille à celle que Lise avait à sa bague ; elle portait comme elle une devise, et cette devise était :

Ce qu’on veut, on le peut,

À ce moment, le lion se posa en face de lui-même, et se trouva tout à fait méprisable et sans portée.

Quoi ! une petite fille de la rue Saint-Martin osait se donner pour devise : Ce qu’on veut, on le peut ; et lui, lion, ne se sentait la force ni de vouloir ni de pouvoir !

« Pardieu ! se dit-il, je voudrai et je pourrai ! »

Et pour s’encourager dans cette noble résolution, il se rappela toutes les femmes qu’il avait prises d’assaut ou enlevées à ses amis.

Cependant, toute récapitulation faite, il trouva qu’aucun des moyens avec lesquels il avait réussi jusque-là ne pouvait être de mise dans sa nouvelle entreprise, et qu’il lui fallait trouver tout autre chose.

Sur ces entrefaites il arriva chez lui, où il trouva installés quatre ou cinq de ses amis, discutant très-chaudement sur l’inconstitutionnalité de l’admission des chevaux du gouvernement dans les courses du Champ de Mars.

L’arrivée de Sterny mit fin à la discussion. À son aspect, le gros beau Lingart, le pédicure dont nous avons parlé, s’écria en se rengorgeant dans sa cravate :

« Eh bien ?…

— Eh bien ! j’ai perdu, repartit Aymar de Rabut, le lion artistique.

— Comment diable ! ajouta Marinet, le fils du potier, comment diable aussi vas-tu parier quelque chose contre ce gros agioteur ? tu sais bien qu’il a l’instinct des bonnes affaires, et qu’il suffit qu’il touche à la plus mauvaise pour qu’elle tourne à bien dès qu’il y a quelque chose à gagner pour lui.

— Mais oui, je suis assez heureux, dit Lingart d’un air qui voulait dire je suis assez habile, et en ramassant du bout de sa langue les quelques poils de barbe qui avoisinaient le coin de sa bouche.

— De quoi s’agit-il donc ? dit Sterny.

— Il s’agit, dit Lingart, que nous dînons au Rocher de Cancale, et que c’est Aymar de Rabut qui nous traite.