Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 32 - 1904.djvu/138

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étonnante sûreté, pour les formes, quelle admirable souplesse, pour la diversité des touches et l’effet des nuances colorées, dans les visages, dans les vêtements, dans les mains ! Et comme ces personnages-là sont vrais, palpables, pensants, parlants, vivants, non pas seulement des vivants d’autrefois, du xve siècle, mais des vivants d’hier, des gens d’aujourd’hui ! Quel habitant de la région ne reconnaît,

portrait d'homme, par jean fouquet.
(Collection du comte Wilczeck)

dans le bonhomme au verre, avec ses grandes oreilles, ses lèvres épaisses, son nez busqué, ses yeux noirs, perçants, intelligents, vifs et fins, un de ces derniers descendants des Arabes, colons prisonniers de Charles-Martel, si communs encore en Poitou, si reconnaissables à leur atavisme oriental ? Et le jeune homme aux fortes mâchoires, à la mine volontaire, aux yeux inégaux et divergents, qui ne l’a rencontré, laboureur, vicaire ou marchand, aux environs de Tours ? Nous avons, autrefois, signalé quelque ressemblance entre ce type et celui de Jean Fouquet, d’après son portrait en émail (musée du Louvre[1]) ; nous croyons toujours que c’est là un membre de la famille, frère ou fils. Quelques autres portraits, de style approchant, rangés à l’Exposition autour du maître, témoignent que, de son vivant au moins, ses disciples gardèrent son amour pour la vie expressive dans la plus petite effigie, non par la seule exactitude des traits, mais aussi par la vérité de l’attitude ou du geste. Les excellents morceaux de la

  1. Voir reproduction ci après, p. 142.