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GAZETTE DES CAMPAGNES

conscience chrétienne, ne voient plus dans leurs maitres, quelque soit le nom ou l’habit qu’ils portent, que des tyrants ou des maitres de convention, que les peuples peuvent mener et ramener en tout sens, quand ils se croiront assez forts pour dominer à leur tour. C’est le bilan le plus clair de tout ce qui se passe aujourd’hui en Italie, et bientôt dans tout le reste de l’Europe.

Voilà ce que tout catholique doit bien savoir sur les événements du jour. Après cela, ici comme ailleurs, qu’il laisse dire dans les livres, dans les gazettes, dans les discours privés et publics, tout ce qui est contraire à cette vraie cause de désordres sociaux et politiques du jour. Ne pouvant empêcher l’erreur, qu’il se garde, du moins, de la justifier sous prétexte qu’elle devient universelle et que le monde a jugé. Oui, mais le monde même a son juge comme le moindre des mortels ; et il y a longtemps que ce juge souverain et sans appel a jugé le monde pour ce qu’il est.

Le représentant de ce juge souverain est à Rome aujourd’hui comme il y a dix-huit siècles.

Il y juge le monde, lui aussi, par une souveraine et divine délégation. Il a condamné solennellement et à plusieurs reprises, chez lui, dans sa Rome et ses états, comme ailleurs où les choses ont eu de la similitude avec les siennes, toutes ces spoliations de provinces, de duchés et de royaumes obtenues par le droit nouveau de l’intrigue, de l’artifice, de la piraterie et du canon rayé. Toutes ces prétendues annexions, ces vœux populaires, ce suffrage universel, ces aspirations délirantes vers l’unité ; tout cela a été jugé et bien jugé, aux yeux et pour la conscience du catholique, par le juge représentant direct du juge éternel. Et la chose a été si sérieuse, que pour ce qui concerne les droits et le domaine temporel de l’Église : Pie IX a lancé des foudres dont il n’a point encore retiré l’effet. Depuis, il n’a cessé de protester, et rien n’indique encore qu’il ne proteste ainsi jusqu’au dernier de ses soupirs, s’il le faut. C’est donc bien aisé à tout vrai catholique de savoir quoi penser, dire et agir sur les malheurs du temps, en dépit des brochures, des gazettes, des faiseurs de politique humaine et des diplomates sans foi ou intéressés.

Voilà ce qu’il est bon que sache le peuple des campagnes, si calme et encore si dévoué à sa foi et à son chef visible, le successeur de Pierre, afin d’éviter l’erreur et ses funestes conséquences.

On voudra bien nous pardonner cette explication un peu longue, vu qu’elle nous sert de préambule obligé à tous les faits que nous recueillerons dans la suite sur la marche des événements européens et surtout sur ceux relatifs à l’Italie et aux États du Saint Père.

Revenant dans notre Amérique nous n’avons rien de précis à remarquer sur la guerre fratricide de nos voisins, le coupe-gorge national, là comme en Italie, menace d’un bouleversement social et politique une jeune nation qui faisait école, on le sait, en matière de liberté et de prospérité publique. Mais là comme partout, la liberté n’ayant de garantie que dans l’opinion du moment plutôt que dans les principes de la conscience, elle est dégénérée aujourd’hui, comme en Italie, en une pesante tyrannie que la voix publique atteste de toutes parts.

Au point de vue des intérêts matériels, pour lesquels nos voisins sont prêts à se déchirer à belles dents, cette guerre sans principes comme sans raison suffisante, servira de leçon aux prétentions exorbitantes du peuple américain, et lui donnera l’idée de retremper sa constitution dans quelque chose de mieux que n’ont fait les pères fameux de cette constitution.

En attendant, l’Angleterre veille amoureusement sur nous. Elle nous envoie soldats, bagages et cavalerie pour ôter au cousin Jonathan l’envie de nous nuire. À l’aspect des choses pour tant, il semble que le cher cousin a suffisamment à faire chez lui pour ne point se mêler des affaires d’autrui. Aussi espérons-nous, qu’il lavera seul son linge sale sans venir troubler notre paix et notre sécurité. Plaignons le en chrétiens à cause des maux qu’il souffre déjà si pesamment. Que Dieu les lui abrège ainsi que ceux encore plus pesants qui accablent l’Italie !

Pour nous, demeurons sages et reconnaissants dans les bienfaits publics dont la divine Providence nous fait jouir.

Et d’abord, en effet, la voix publique atteste partout une récolte abondante. Il y a eu de temps à autre des craintes et de vrais dommages, mais en sommes les moisson de 1861 seront un grand bienfait providentiel. Que tous sachent en bien user.

Les faits religieux à noter dans la quinzaine sont la persécution ouverte contre le clergé des états italiens nouvellement annexés, c’est-à-dire spoliés. Les nobles ont aussi leur part honorable dans cette persécution, ainsi que tous ceux que l’amour des vrais principes et la voix de la conscience forcent à se montrer tels qu’ils sont, fidèles à Dieu et à leur prince.

Québec a reçu dans ses murs tout récemment, au bruit du canon militaire, un personnage sur lequel il ne peut y avoir, parmi les catholiques, qu’une seule opinion. Pour se faire une idée raisonnée de cette opinion, il suffit et il est permis de se poser les quelques questions qui suivent.

1o Le prince Napoléon a-t-il agi dans sa vie publique d’une manière méritoire envers le St. Siège et l’Église, au sujet des droits et domaines du Saint Père, qui sont les droits et le domaine de tous les catholiques ?

2o Le prince Napoléon n’a-t-il pas, au contraire, dans un discours, trop célèbre pour lui et les siens, décrié et insulté Pie IX et ses glorieux devanciers sur la chaire de Pierre ?

3o Le prince Napoléon est-il l’ennemi ou l’approbateur des exploits prétendus politiques de Victor Emmanuel, de Garibaldi et de son cousin l’Empereur des français ?

Cela suffit, l’histoire du jour est là pour résoudre ces questions à l’encontre du prince. Et le Canada catholique a trop dit et trop fait en faveur de Pie IX et de sa cause qui est celle de tous les catholiques, pour contredire l’histoire du jour sur le personnage que Québec vient de voir dans son enceinte.

Le numéro ordinaire sera de 8 pages, avec deux ou trois gravures intercalées dans le texte. — Note du Directeur.

Directeur-Propriétaire. — ÉMILE DUMAIS.
St. Louis de Kamouraska.