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histoire du mouvement janséniste

par deux fois il blâma sévèrement les fanatiques de Saint-Sulpice. « Le curé a tort », dit-il en propres termes à l’ambassadeur de France, Hugues de Lionne ; et quelques jours plus tard, il apostropha rudement les Jésuites et il leur dit en parlant des jansénistes : « Vous voudriez chasser de l’Église ces gens-là ; nous voulons qu’ils y demeurent. » Paroles mémorables si Alexandre VII avait été un autre homme ; mais il n’y avait pas à faire fond sur les déclarations de ce pontife léger, inconséquent, et d’une extraordinaire pusillanimité. Il disait du bien de Port-Royal et du docteur Arnauld ; il écrivait même à ce dernier, qui lui avait envoyé sa grande lettre à un duc et pair, et il l’engageait paternellement à dédaigner les libelles de ses adversaires ; mais quelques jours plus tard on l’entendait s’écrier : « Plût à Dieu que tout le monde fût chassé de Port-Royal, tant les hommes que les femmes ! — Utinam omnes, tam viri quant feminœ e Portu Regio estoerentur ! [1] » Saint Augustin et ses défenseurs n’avaient rien à espérer d’un pape de ce caractère.

En présence d’une attaque aussi brutale que celle de Picoté, d’une sentence d’excommunication majeure lancée par un simple vicaire contre un monastère tout entier, Arnauld ne put se contenir ; il se souvint que sa mère mourante lui avait recommandé la défense de la vérité, fût-ce au prix de mille vies, et le silence qu’il avait cru devoir garder depuis plusieurs années, il le rompit : il écrivit une longue et belle lettre qui lui attira force répliques. À tous ces libelles, il répondit par sa fameuse Seconde lettre à un duc et pair…. qu’il signa de son nom et qu’il data de Port-Royal des Champs,

  1. Hermant, tome II, p. 721.