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histoire du mouvement janséniste

plus troublé que lui, lui conseilla de signer mais Pavillon se ressaisit aussitôt ; il étudia, il pria plus encore, et l’on sait avec quelle vigueur il repoussa dix années durant les prétentions du pape qui se constituait juge infaillible de faits non révélés. Si l’on veut juger du mal affreux qui devaient nécessairement causer le Formulaire et la bulle, il suffit de lire les rétractations que crurent devoir faire plus tard de très grands esprits et de très belles âmes, notamment l’illustre Malebranche, qui n’a jamais été janséniste. Il avait signé le Formulaire plusieurs fois ; lorsque la paix de l’Église lui parut bien assurée, le 15 juillet 1673, il signa une rétractation catégorique, et pour plus de sûreté il la mit en dépôt dans les archives de Port-Royal des Champs[1]. Malebranche commence par reconnaître humblement la faute qu’il a faite en signant deux ou trois fois le Formulaire « contre sa conscience, sans connaissance, et, ce lui semble, avec une croyance contraire à l’action qu’il faisait. » Il dit que depuis sa dernière signature il a été assez souvent dans le trouble et dans l’inquiétude pour cette action. On lui a dit pour le rassurer que, la paix ayant été rendue à l’Église, il n’était pas obligé de se dédire ; cependant, ajoute-t-il, « j’ai cru que je devais faire ce désaveu, ne sachant pas si les choses ne changeraient point de face, et souhaitant de tout mon coeur de ne point contribuer à la condamnation de M. Jansénius. Je rétracte donc par cet écrit le témoi-

  1. Elle a été publiée vers 1725, avec une infinité de pièces provenant des mêmes archives. On en conteste l’authenticité, comme l’on fait toujours en pareil cas quand il s’agit de documents gênants ; elle est absolument certaine : il en est question dans une lettre d’Arnauld, qui refuse d’en faire usage, et l’autographe de cette lettre, rejetée aussi comme fausse, est à la Bibliothèque Nationale.