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histoire du mouvement janséniste

d’un pareil avilissement ; ils prirent ouvertement parti pour leurs quatre confrères et écrivirent au pape une lettre vigoureuse qui ne fut point l’objet d’une réprobation, alors que le Parlement faisait saisir la lettre des dix-neuf et les traitait de cabaleurs et d’intrigants[1]. Il s’était produit en France et à Rome un véritable changement ; les dix-neuf devenaient légion, et bientôt ils seraient quarante ; les ministres, Le Tellier et Lyonne en tête, étaient pour eux, le cardinal de Retz prenait leur cause en mains avec une habileté merveilleuse. Mme de Longueville agissait avec le plus grand zèle. Enfin le nouveau nonce, Bargellini, était secrètement chargé par le pape de travailler à une pacification que tout le monde, hormis les Jésuites, désirait ardemment. Dans ces conditions, le nonce écouta les ouvertures que lui firent quelques-uns des dix-neuf, à la tête desquels s’était placé Henri de Gondrin, secondé par Félix Vialart et par Gilbert de Choiseul. On négocia, et, pour éviter d’être mystifiés comme on l’avait été en 1663, on se cacha des Jésuites. Le secret fut si bien gardé qu’ils ne surent absolument rien de ce qui se passait. De là cette exclamation furieuse du Père Annat reprochant aigrement au nonce « qu’il avait ruiné par la faiblesse d’un quart d’heure l’ouvrage de vingt années ». Péréfixe fut également tenu à

  1. Voici comment Daguesseau, dans un mémoire encore inédit composé en 1717, a parlé de cette affaire : « On a vu sous le dernier règne, dans l’affaire des quatre évêques, un exemple de ce que peut l’intérêt commun sur l’esprit de ceux mêmes qui sont d’ailleurs les plus opposés les uns aux autres. Plusieurs des prélats nommés commissaires par les brefs que le pape avait donnés contre les quatre évêques rejetèrent hautement une commission si odieuse ; ceux qui l’acceptèrent furent déshonorés, et les autres prélats se soulevèrent contre leur conduite, aussi bien que contre l’entreprise de la Cour de Rome. On fut donc obligé de faire une paix dans laquelle on accorda les dehors au pape et le fond de la chose aux quatre évêques. »