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histoire du mouvement janséniste

l’existence, car un Jésuite écrivait en 1700 qu’il faudrait détruire tous les ordres religieux et n’en conserver que deux : les Jésuites pour enseigner et les Capucins pour faire pénitence.

Entre les abbayes qui eurent le plus à souffrir de la persécution, il faut compter la petite abbaye de Saint-Polycarpe, au diocèse de Narbonne. Réformée à la façon de la Trappe et de Port-Royal au début du xviiie siècle, elle offrait un asile à de pieux pénitents qui gardaient sur les questions controversées le plus grand silence. L’hostilité des Capucins jeta le trouble, en 1758, dans la communauté. L’archevêque de Narbonne procéda en 1741 à des interrogatoires qui rappellent ceux de Port-Royal en 1661, et il prétendit contraindre les religieux à signer le Formulaire ; il n’était pas question de la Bulle pour le moment. Ils refusèrent, et l’autorité royale leur défendit de recevoir des novices. À dater de ce moment les persécutions ne cessèrent plus ; l’abbaye fut détruite en 1771, et le prieur dom Pierre, qui refusait d’en sortir, fut assassiné en 1773[1].

Les congrégations de femmes ne semblaient pas devoir être aussi troublées que les autres par les querelles religieuses du xviiie siècle ; néanmoins elles furent dans une agitation perpétuelle, parce que la Bulle Unigenitus divisait et excitait les uns contre les autres les évêques qui étaient leurs supérieurs, les prêtres et les religieux qui étaient leurs confesseurs, leurs chapelains et leurs aumôniers. On serait éternel si l’on voulait faire connaître en détail les ravages que cette grande affaire a exerces dans les couvents de

  1. Cf. Histoire de l’abbaye de Saint-Polycarpe (par l’abbé Reynaud, 1779). On y lit à la page 521 un parallèle curieux entre Saint-Polycarpe et Port-Royal.