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CHAPITRE III

sitions tirées textuellement de Molina qui subordonnait au libre arbitre de la créature l’efficacité de la grâce et la toute-puissance du Créateur. Telle était par exemple la vingt-neuvième proposition, par laquelle on peut juger de toutes les autres : « Celui qui est intérieurement appelé ou excité, n’agit pas parce qu’il est aidé de Dieu, mais au contraire il est aidé parce qu’il veut bien agir. » Le Dieu de Molina serait donc, si l’on pouvait s’exprimer ainsi sans blasphème, comme la mouche du coche, et l’on comprend que l’évêque d’Amiens François Faure ait dit en 1664 à la mère de La Fayette, supérieure de Chaillot : « Le Dieu des jansénistes me parait trop sévère, celui des molinistes est idiot[1]. »

Paul V n’a point revêtu cette bulle augustinienne des formalités nécessaires à sa publication, et il ne l’a pas signée, ce qui a permis aux Jésuites d’en nier audacieusement l’existence. Son authenticité n’est pourtant point contestable ; elle a été affirmée par l’archevêque de Malines, Boonen qui en possédait une copie. Elle a été publiée cent ans plus tard par l’historien des célèbres congrégations de Auxiliis, et avec elle a paru le grand écrit du pape Clément VIII, déjà publié à Rome en 1662, qui lui aussi aurait rendu absolument inutile l’intervention de Jansénius. Avant Paul V, et plus énergiquement que lui, Clément VIII établissait à grand renfort de citations de saint Augustin l’existence d’une grâce efficace et même efficacissime qui néanmoins ne blesse en aucune façon la liberté de l’homme. Il y a là, sous quinze titres différents, une accumulation de textes plus décisifs les uns que les autres, et le cinquième groupe de citations de saint

  1. Actes et relations de Port-Royal. — Voir à l’Appendice le dispositif de la Bulle Gregis dominici transcrivant les 42 propositions de Molina qui sont condamnées.