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LE MALENCONTREUX.

je me chargeai d’apprendre à lord *** que j’avois été secrétaire du comte, sous le nom fatal de Desbruyères. Alors, lord *** s’adressant au comte, dit plusieurs choses très-obligeantes pour moi, et parla de mon mariage avec miss Merton. Pendant toutes ces explications, le comte pâlit, rougit, bégaya et perdit tout-à-fait contenance. J’ai toujours pensé qu’on ne sauroit montrer trop d’indulgence, trop de douceur dans la prospérité, et que c’est à cette conduite que l’on reconnoît les ames véritablement nobles et généreuses ; ainsi, je ne songeai qu’à dissiper le pénible embarras du comte : je vantai le service qu’il m’avoit rendu en m’amenant en Angleterre ; je louai, avec autant de chaleur que d’exagération, la bonté qu’il m’avoit montrée durant mon séjour dans sa maison, et je ne me permis pas un mot de reproche, même indirect, sur son dernier procédé. Ce pauvre homme, vivement touché d’un tel langage, s’approcha de moi avec des yeux humides, et m’embrassa. Oh ! qu’il faut les plaindre, ces gens vindicatifs