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xxxiii
VIE DE SAINT CYPRIEN.

été ordonné prêtre et attaché à l’église de Carthage, lorsque la mort enleva Donat, évêque de cette ville. Les lumières de Cyprien, la maturité de son âge, son mérite extraordinaire, les grandes choses qu’il avait accomplies en si peu de temps, ses beaux exemples de continence et de charité, tout l’appelait à ce dangereux honneur. L’apôtre, il est vrai, excluait de l’épiscopat les néophytes. Il craignait qu’un vieux levain d’idolâtrie ne fermentât encore dans leurs âmes, et que leur inexpérience ou leur faiblesse n’allât heurter contre plus d’un écueil. Cette règle judicieuse ne pouvait s’appliquer à Cyprien. À la nouvelle que l’on songeait à le revêtir de cette dignité, il s’effraya et prit la fuite. L’assemblée chrétienne jugea que sa modestie était un droit de plus. Elle alla investir la maison où il se tenait caché ; elle en occupa toutes les issues extérieures, de peur que ses pieuses violences ne fussent mises en défaut. Cyprien délibéra un moment s’il ne se ferait point descendre par la fenêtre pour se dérober à cet empressement. Mais saint Paul avait employé ce moyen d’évasion dans une circonstance différente ; l’humilité du disciple redouta cette glorieuse ressemblance avec le maître. Il fallut donc céder à la volonté divine, qui se manifestait par des témoignages si peu équivoques. Des cris d’allégresse l’accueillirent aussitôt qu’il se montra ; on s’embrassait, on se félicitait mutuellement. Tous les évêques de la province ratifièrent l’élection de l’homme de bien ; il fut consacré pontife du Seigneur dans le mois de mai 248, pendant que Philippe occupait le trône impérial, et Fabien la chaire de celui auquel Jésus-Christ avait dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église. »

Avec le titre d’évêque de Carthage, Cyprien devenait le chef spirituel de la province surnommée la petite Afrique ou l’Afrique proconsulaire, de la Bizacène et de la Tripolitaine, qui toutes obéissaient au même gouverneur. Son autorité et ses soins s’étendaient encore sur la Numidie et les deux Mauritanies, la Césarienne et la Tangitane : immense juridiction, qui demandait