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VIE DE SAINT CYPRIEN.

l’or ; les pauvres, qui ne pouvaient contribuer de leur bourse à la bonne œuvre, donnèrent plus que de l’or ; ils offrirent leurs bras et leur travail, et ils soignèrent les malades. Qui, en effet, ne se fut hâté de se ranger sous les drapeaux de celui qui était alors l’âme et le chef de cette œuvre si agréable à Dieu ? Les secours furent abondants ; ils furent prodigués à quiconque en avait besoin, aux hommes du paganisme comme aux enfants de la foi. Grâce à lui, la patrie si lâchement abandonnée par des riches sans entrailles et des magistrats qui ne savaient en d’autres temps que rêver le sang et les voluptés, put à peine s’apercevoir de son veuvage.

Cyprien, en veillant au salut des corps, n’avait accompli que la moitié de sa tâche. Au milieu des ravages prolongés du fléau, il avait remarqué des Chrétiens trop sensibles à la perte de leurs proches. Ceux-ci tombaient dans l’abattement à la pensée que Dieu ne les épargnait pas plus que les idolâtres, quoique ces derniers méconnussent le Dieu véritable, tandis qu’eux le servaient humblement ; ceux-là regrettaient que la contagion leur enlevât les honneurs du martyre. D’autres s’effrayaient de ces calamités et appréhendaient la mort, plus qu’il ne sied à un Chrétien. Le pieux pontife donne une réponse à toutes ces objections et un remède à chacune de ces défaillances. Le discours sur la mortalité, qu’il composa pour ces jours d’épreuves, a souvent été mis par le sacerdoce entre les mains des Chrétiens, chaque fois qu’un fléau semblable est venu épouvanter le monde. Chose admirable à dire ! les consolations que la foi offrait, il y a seize siècles, sont nouvelles encore, parce qu’elles ont leur source dans la vérité, qui demeure indéfectible, et dans les besoins de l’humanité qui poursuit sa carrière ici-bas, avec ses mêmes instincts et ses mêmes misères.

Les Chrétiens s’humiliaient sous la main qui les frappait ; ils passaient du jeûne à la prière, de la couche du mourant à la sépulture du mort. Il n’en allait pas ainsi de la société païenne.