Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/15

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pour faire diversion à ses craintes, elle passait de longues heures dans la bibliothèque de son père. Un jour, par hasard, elle ouvre l’Histoire des Mathématiques de Montucla, et, en ce livre plein d’érudition, trouve le récit éloquent de la mort d’Archimède : ce grand homme, occupé à réfléchir sur une figure géométrique, les yeux et la pensée tout entiers à cette méditation, ne s’aperçoit ni de la prise de Syracuse, ni du bruit des vainqueurs qui saccagent la ville, ni du glaive levé sur lui, et il tombe sans daigner répondre aux brutales injonctions de son assassin. Aussitôt le choix de la jeune fille est fait. Cette science géométrique si attachante que rien n’en peut détourner, pas même une menace de mort, cette science dont elle connaît à peine le nom, voilà bien celle qui lui convient ; et, sur l’heure, elle prend la résolution héroïque de s’y donner complètement.

La résolution héroïque, ai-je dit. Le mot n’est pas excessif. En effet, justifiant à son insu cette parole de Fontenelle, que la plupart de ceux qui ont excellé en quelque genre n’y ont point eu de maîtres ; sans autre guide qu’un Bezout ; seule, dépourvue de conseils, elle se met à étudier tout