Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/356

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ticien et un philosophe. Cette union de facultés que l’on croit à tort opposées se retrouve à un haut degré chez Sophie Germain, qui apparaît comme l’un des plus grands penseurs de notre époque, dans son « Discours sur l’état des sciences et des lettres aux différentes époques de leur culture ». Selon elle, la pensée de l’homme, quelle que soit la nature de ses travaux, est soumise à des lois uniformes, et le caractère du vrai, dans le monde inorganique, c’est le sentiment de l’ordre, de la simplicité et de la proportion ; il n’y a que des barrières fictives entre la raison et l’imagination. Elle croit que les opérations cérébrales ne peuvent être expliquées que par l’expérience, et elle l’exprime magistralement : « L’esprit humain obéit à des lois ; elles sont celles de sa propre existence ».

« Donc, la loi en tout, la loi qui exclut le hasard, dernière explication de l’ignorance ! La science fait reculer le hasard comme elle fait reculer les causes premières. Elle répond à la question « comment ? » à la question « combien ? » ; elle ne répond jamais à la question « pourquoi ? »

Je vous assure que je ne sais pas pourquoi cette pierre tombe, et si vous me répondez avec votre livre : « parce que la terre l’attire, ou « parce que » tous les corps s’attirent ; à mon tour, je vous demanderai « pourquoi » les corps s’attirent, et votre livre restera court. Mais je sais « comment » cette pierre tombe, dans quelle direction et avec quelle vitesse. Je sais