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À partir de là jusqu’à Lyon, aucun vestige ne révèle le passage du siphon. Il devait, selon toute probabilité, remonter en droite ligne, comme le figure Delorme (V. la carte d’Artaud, Pl. I), et arriver sur le plateau de Champagne[1] à son réservoir de fuite, à une altitude à peu près égale à celle du réservoir des Massues, qui termine le siphon de l’aqueduc de la Brévenne[2]. Delorme met en communication ces deux réservoirs par une conduite libre. C’est une conjecture possible, mais qui n’a que la valeur d’une conjecture, tant il est difficile, comme nous le verrons, de trouver dans Lyon même les traces de la canalisation antique et de la distribution des eaux.

    concassés. Le pic et la pioche furent impuissants à l’entamer : il fallut la dynamite pour le faire sauter. Après en avoir enlevé une épaisseur de 5 mètres environ, les ouvriers attaquèrent un lit de larges briques, puis des assises de pierres de taille, énormes blocs de choin superposés sur 4 ou 5 rangs de hauteur et reliés par des crampons de fer.

    « On reconnut aussi que ces assises avaient perdu leur horizontalité et qu’elles inclinaient fortement du côté de la berge orientale. Les blocs étaient disjoints, disloqués, dans un étrange désordre. Les crampons de fer étaient tordus, quelques-uns même arrachés, et montrant à leurs extrémités les fragments de plomb qui avaient servi à les sceller dans les blocs.

    « D’où provenait cet état anormal ? d’un affaissement du terrain argileux sur lequel reposait cette substruction. Le terrain, détrempé par les infiltrations et l’humidité, avait cédé d’un côté seulement, entraînant avec lui ces assises et leur faisant perdre leur aplomb primitif.

    « Les anciens ingénieurs s’étaient bien aperçus du peu de consistance du terrain, puisqu’ils avaient ménagé dans les fondations une série d’arcs d’évidement dans un but de consolidation. Le bas de ces arcs reposait aussi sur des rangées de pilotis en chêne, armés encore de leurs sabots de fer…

    « En avançant dans la rivière pour les fondations des autres piles du pont, on trouva encore de nouveaux bancs de maçonnerie ; mais ceux-là reposaient sur un terrain plus solide, sur le rocher lui-même. Sans nul doute, ces débris étaient ceux d’un pont antique. Le pont actuel suit à peu près le même axe, mais en obliquant légèrement sur la gauche.

    « De l’autre côté du ruisseau, sur la déclivité de la colline occidentale, sur la balme, au milieu d’un terrain impropre à la culture et couvert de taillis, les ouvriers mirent à découvert, après avoir coupé le bois et enlevé la terre pour tracer la route à l’issue du pont, une suite non interrompue de maçonnerie ancienne, offrant le même mode de construction que celui observé dans le lit de la rivière ; cette maçonnerie montait jusque sur la crête de la balme, où elle disparaissait dans le sein de la terre. Certaines parties étaient encore sur leur lit de pose, d’autres rejetées çà et là ; elles représentaient des masses plus ou moins considérables. La plupart avaient la forme d’arcs à plein cintre. Ces débris étaient cachés sous des lichens, de la mousse et des lierres terrestres, plantes parasites abritées sous les arbres du taillis. Leur enlèvement fut long et pénible ; la pioche n’y mordait pas, et il fallut encore la dynamite pour en venir à bout.

    « Mais tout n’a pas été enlevé ; la majeure partie existe encore dans le taillis en débouchant du pont et au-dessus de la route.

    « Le versant opposé, moins accidenté, moins rocailleux que le précédent, et qui, de bonne heure, avait été livré à la culture, comme dépendant d’une vaste propriété d’agrément, présentait encore quelques substructions de même nature que les précédentes et que la nouvelle route, qui a empiété sur la propriété, avait mis à découvert. »

  1. Ce plateau de Champagne, en face de Francheville, ne doit pas être confondu avec l’autre plateau de Champagne, le plus connu, où passe la route de Lyon à Villefranche, et qui est situé entre Ecully et le Mont-d’Or.
  2. À une cote entre 285 et 200. Cette perte de charge, d’une trentaine de mètres, ne serait pas étonnante, en raison de la très grande longueur du siphon.