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est, en effet, comme aspirée dans le tube-siphon et de cette force d’aspiration dépendent tous les afflux d’air et tous les coups de bélier. Supposons qu’on ouvre un ou plusieurs de ces tuyaux de vidange placés sur la conduite au bas du siphon, la force d’aspiration se relâchera, c’est évident ; plus on en ouvrira, plus elle tombera, l’eau remontant péniblement jusqu’en haut. Or, pour éviter les coups de bélier, particulièrement au moment du remplissage[1], on conçoit qu’il fût bon de laisser quelques-uns de ces robinets ouverts, ou même tous d’abord, pour les refermer avec précaution successivement, jusqu’à la mise en charge complète[2].

Certains manuscrits portent, au lieu de colliviaria, le mot columnaria. C’est la leçon qu’ont suivie Philander et Perrault. D’autres éditions, entre autres celle de Laët (Amsterdam 1649), ont columbaria[3]. On a traduit ces deux mots par le même terme « ventouses », qui, indépendamment de la valeur respective des deux leçons, n’est pas par lui-même très exact. Les ventouses proprement dites, c’est-à-dire les appareils pour faire échapper l’air, se mettent de préférence aux points hauts, parce que c’est là que l’air vient s’accumuler et fait obstacle au mouvement de l’eau en occasionnant des coups de bélier. Dans les parties basses il ne séjourne pas, puisqu’il a toujours tendance à monter, et ainsi il ne gêne pas le mouvement de l’eau. Ce que l’on met aux points bas, outre les robinets de vidange, ce ne sont donc pas à proprement parler des ventouses, mais des régulateurs de pression comme ces tubes piézométriques dont je parlerai tout à l’heure, ou comme les cloches à air, surmontant de courtes tubulures

  1. Et aussi au moment où l’on fermait les vannes de départ et d’arrivée aux réservoirs de têtes, pour opérer la vidange.
  2. Les siphons qu’on installe aujourd’hui ont une conduite spéciale pour le remplissage; elle part du réservoir de chasse et va rejoindre le bas du siphon, qui se remplit lentement, régulièrement, et sans aucun risque de coups de bélier. Vitruve recommande lui-même, un peu plus loin, de ne faire le remplissage que doucement et par petites quantités d’eau, afin d’éviter la poussée violente qui autrement se produirait contre les parois, vers les coudes. « Namque vehemens spiritus in aquae ductione solet nusci… nisi primum teniter et parce a capite aqua immittatur. » Spiritus a bien ici le sens de poussée ou d’aspiration violente que j’ai donné plus haut ; si l’on faisait arriver l’eau tout d’un coup, la colonne liquide en arrivant en bas, aspirée violemment vers l’aval en vertu de la charge, donnerait des coups de bélier formidables contre les coudes.
  3. Le sens propre du mot désigne les boulins où les pigeons font leurs nids ; il faut convenir que cela n’a guère de rapport avec l’ouverture d’un tuyau, sauf par le sens général de cavité. En tous cas, le sens demeure très vague. C’est une leçon à rejeter.