Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/106

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mit à rire sous cape de ce que je la corrigeois, de croire qu’elle eût été plus brave que moi et tant d’autres. Une autrefois je disputois avec elle bien sérieusement sur la cour de France. Et comme elle ajoutoit un peu foi à quelques brochures qui couroient les pays étrangers, je lui dis presque avec aigreur : — Madame, on ment au Nord sur l’Occident, comme à l’Occident sur le Nord ; il ne faut pas plus croire les porteurs de chaise de Versailles que les Iswaschick de Czarskozelo. — Nous regardons le reste du voyage comme une bagatelle ; car nous n’avons malheureusement plus que quatre cents lieues à faire. Il nous a toujours fallu six cents chevaux à chaque relais ; toutes nos voitures sont pleines de pêches et d’oranges ; nos valets sont ivres de vin de Champagne, et je meurs de faim ; car tout est froid et détestable à la table de l’Impératrice, qui n’y reste pas assez long-tems, et qui, pour dire quelque chose d’agréable ou d’utile, s’y met avec tant de lenteur, que rien n’est chaud, excepté l’eau que l’on boit ; car l’agrément de ce pays-ci est que l’été y est plus brûlant qu’en Provence. En Crimée j’ai cru étouffer du souffle de brasier qu’on y respire. Un autre agrément de ce pays, c’est de n’avoir aucune nouvelle de votre petite Europe, à vous autres. Je ne crois