Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/112

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malheureux des hommes, si Dieu ne m’aide. — Comment, lui dis-je, l’histoire de Kinburn ?… le départ de la flotte… tout cela ne servira donc à rien. J’ai couru jour et nuit. On me disoit que vous commenciez déjà le siège. — Hélas ! dit-il, plaise à Dieu que les Tartares ne viennent pas ici mettre tout à feu et à sang. Dieu m’a sauvé (je ne l’oublierai point) ; il a permis que je ramassasse ce qu’il y a de troupes derrière le Bog. C’est un miracle que j’aie conservé jusqu’ici tant de pays. — Où sont donc les Tartares, lui dis je ? Mais partout, me répond le prince ; et puis il y a un Séraskier avec beaucoup de Turcs du côté d’Ackerman ; 12,000 Turcs dans Bender ; le Niester gardé, et 6000 dans Choczim.

Il n’y avoit pas un mot de vrai dans tout cela. Mais pouvois-je imaginer qu’il voulût tromper celui dont je croyois qu’il avoit besoin ? Si j’ai été malheureux dans toute ma mission politico-militaire, je l’ai bien mérité. J’ai été, comme disoit le maréchal Neiperg à sa paix de 1709, un Lucifer précipité par mon orgueil : je croyois commander les deux armées russes.

Je dis au prince que j’avois déconseillé à l’Impératrice l’envoi de la flotte dans la méditerranée, que cet envoi coûteroit beaucoup, et ne feroit rien pour l’objet général. Quoique